Participation de la Marine à la bataille de Borodino 1812
La Commémoration du bicentenaire de la Bataille de Borodino de 1812 nous permet de rappeler que la Marine Impériale Russe a également participé à cette bataille par la présence de membres de l’Equipage de la Garde.
Article mis en ligne le 25 novembre 2012, dernière modification le 3 décembre 2012; par Olga L.
La Commémoration du bicentenaire de la Bataille de Borodino de 1812 nous permet de rappeler que la Marine Impériale Russe a également participé à cette bataille par la présence de membres de l’Equipage de la Garde*.
Pour la campagne terrestre de 1812 l’équipage de la Garde a détaché 500 matelots et officiers. Un détachement d’artilleurs de l’Equipage est également présent.
Ils sont intégrés à la 1-ère armée de l’Ouest sous le commandement de Barclay-de-Tolly. Le capitaine de frégate I. Kartzeff est à leur tête. On les utilise principalement en qualité de sapeurs pour l’aménagement des passages, la construction et la destruction des ponts. Les marins choisissaient avec soin les endroits de passage des rivières et construisaient, de manière qui leur était propre, sans plans ni croquis, se basant seulement sur leur intuition et leur expérience maritime. Pour une meilleure flottabilité ils positionnaient des tonneaux vides sous les radeaux et la couverture des ponts était réalisée avec des planches. Pour la stabilité de l’ensemble, ils immergeaient des paniers tressés avec des branchages qui, chargés de pierres servaient d’ancres.
La bataille de Borodino, 26 août 1812 (d’après le calendrier julien), appelée par les Français bataille de la Moskova, le 7 septembre 1812 (d’après le calendrier grégorien).
Le 23 août/4 septembre 1812, les troupes russes prennent position sur le champ de Borodino. La majeure partie de l’Equipage, après avoir achevé les travaux d’aménagement des positions rejoint la réserve. Ne prennent part au combat qu’une trentaine de marins de l’Equipage de la Garde. Les artilleurs de l’Equipage de la Garde sont affectés à la brigade d’artillerie d’Eiler ayant pour mission de repousser les attaques de la cavalerie française sur le flanc gauche.
Deux bataillons de chasseurs de la Garde sont positionnés derrière le village de Borodino pour protéger le pont sur la rivière Kolotcha et la route vers le village Gorki où se tient l’artillerie russe et, par la suite, l’état-major de Koutouzov. En plus des chasseurs le pont est gardé par un détachement de 30 marins de l’Equipage de la Marine de Saint-Pétersbourg ayant à sa tête l’enseigne de vaisseau M.N. Lermontov, parent éloigné du célèbre poète.
26 août/7 septembre 1812 – La Bataille de Borodino
Le matin du 26 août/7 septembre les français avancent sur Borodino dissimulés par un épais brouillard. La veille au soir, voyant la tranquillité relative dans ce secteur les chasseurs de la Garde occupant le pont, sont autorisés à aller aux bains à Borodino. Lors de l’attaque de l’ennemi une partie des chasseurs est encore aux bains et se hâte de rejoindre leur position. L’Equipage de la Garde est chargé de détruire le pont dans le cas d’une percée de l’ennemi. Des combustibles ont été déposés. La division du général Delzons mène son offensive sur Borodino et, n’ayant pu résister plus d’une heure, les chasseurs de la Garde sont contraints de se retirer et de passer le pont.
Le 106-ème régiment des français les suit. Mais les 19-ème et 21-ème régiments de chasseurs sont envoyés en renfort par le commandant en chef de la 1-ère armée de l’Ouest de Barclay-de-Tolly et les marins de l’Equipage de la Garde se joignent à eux et contre-attaquent. Ayant subi de lourdes pertes, les français sont forcés de repasser le pont .
Bien que l’Equipage de la Garde n’ait pas pu aller au combat à Borodino en tant que détachement séparé, les quelques marins qui y ont pris part ont figuré parmi les premiers combattants à participer à la bataille dès son commencement et sont restés parmi ceux qui sont partis en dernier. Ils ont laissé sur le champ de bataille le tiers de leurs effectifs.
Voici deux brefs récits de l’opération à laquelle ont participé les marins de l’Equipage de la Garde.
l’un, français :
« …Cinq semaines plus tard. Le 7 septembre, la même division Delzons a la charge d’enlever Borodino, pivot des combats, A la pointe du jour, pendant que 122 de ses pièces règlent leur feu, la division attaque les trois bataillons de chasseurs de la Garde impériale russe qui lui font face. Le 106-ème avec à sa tête le général Plauzonne, pénètre dans le village, repousse les Russes au-delà du pont et, emporté par sa fougue, les poursuit avec toujours cette acceptation de la mort affrontée de face comme un défi ; reçus par le terrible feu de deux régiments de chasseurs russes qui veulent reprendre le village, ils sont culbutés et tués sur place, comme le général lui-même, ou faits prisonniers. Pendant ce temps Boisserolle, avec le 92-ème, a déborde le village par l’extérieur et affronte le danger. Prenant le commandement de ce qu’il reste du 106-ème, il s’établit si solidement que tous les efforts des Russes, particulièrement ceux de la cavalerie d’Ouvaroff, se brisent sur lui… »
(André Bessière – II était une fois la Légion d’honneur, l’Harmattan 2008)
l’autre, russe :
« … Le 26, à deux heures du matin, Napoléon se rendit sur les hauteurs de Chevardino, où il communiqua à ses maréchaux les dispositions préparatoires du combat. Pendant la nuit, les Français établirent en arrière et à la gauche de ce village, deux batteries de 60 pièces chacune, destinées à protéger la marche des colonnes assaillantes.
À cinq heures et demie, le soleil, se dégageant d’un épais brouillard qui s’était élevé vers la pointe du jour, parut à l’horizon, et éclaira ces champs où allaient peut-être se décider les destinées de la plus belle partie du monde.
A six heures du matin, le général Sorbier, qui était à la grande batterie de droite donna le signal du combat en commençant le feu.
Dans le même temps, à la gauche, le vice-roi donna ordre au général Delzons d’emporter le village de Borodino, occupé par le régiment des chasseurs de la garde russe. Cette attaque, ordonnée pour fixer de ce côté l’attention des Russes, et les distraire du point principal qui était leur gauche, fut exécutée avec succès par le 106-ème de ligne formé en colonne. En vain les chasseurs de la garde se défendirent avec valeur pendant près d’une heure, ils furent obligés d’évacuer le village et de se replier derrière la Kolotcha. Le 106-ème, animé par les avantages qu’il vient d’obtenir, se met à leur poursuite et passe le pont de cette rivière. Les chasseurs de la garde, voyant que ce régiment s’aventurait, revinrent sur lui, et aidés des 19-ème et 40-ème de chasseurs se joignirent à eux, ils défirent complètement le 106-ème, dont les débris ne furent sauvés que par le 92-ème qui, se précipitant à leur secours, traversa la Kolotcha, et parvint à les ramener à Borodino… »
(Histoire militaire de la Campagne de Russie en 1812 par le Colonel Boutourlin, aide-de-camp de l’Empereur de Russie), Arcelin et Pochard, Paris 1824).
26 août/7 septembre 1912 – La Russie célèbre le centenaire de la bataille de Borodino.
Les festivités de la célébration du centenaire de la guerre de 1812 se déroulent avec une ferveur particulière.
Participent aux célébrations des représentants de tous les corps d’armée ayant pris part à cette bataille, dont des membres de l’Equipage de la Garde.
Vers le 20 août/1 septembre les officiers détachés de leurs unités arrivent à Borodino où un campement de tentes a été aménagé pour eux à l’endroit exact où s’était tenu l’équipage il y a un siècle.
Le temps était pluvieux mais, par chance, la journée du 26 août/7 septembre est superbe et la parade ainsi que les festivités se passent de façon impeccable.
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De gauche à droite : Lieutenant Alexandre Ivanovitch Boutakoff, Lieutenant Alexandre Ivanovitch Koublitzky, Contre-amiral comte Nikolaï Mikhailovitch Tolstoï, Enseigne de vaisseau Nikolaï Dimitrievitch Semenoff-Tian-Shansky, Lieutenant Dimitry Illyitch Feodossiou, Porte-drapeau Nikifor Kouznetzoff, Porte-drapeau Zakhar Syroyed, Lieutenant Nikolaï Nikolaievitch Rodionoff, Lieutenant Lev Andreievitch Babitzine, Lieutenant-chef Nikolaï Vassilievitch Sabline, Adjudant-chef Pavel Gavriloff, Enseigne de vaisseau Pavel Alexeievitch Voronoff .
Un monument dédié au régiment des Chasseurs de la garde et aux matelots de l’Equipage de la garde a été érigé sur le champ de Borodino.
Inscription :
« Les chasseurs de la Garde à leurs dignes aïeux et à leurs compagnons de combat de l’Equipage de la Garde. 1912 ».
“Le 26 août, jour de la bataille, le régiment se composait de 51 officiers, 1834 chasseurs, 1 officier de l’Equipage de la garde, 30 matelots ; mis hors de combat 27 officiers, 693 chasseurs, 11 matelots de l’Equipage de la Garde”.
C’est également en 1912 que fut inauguré le musée-panorama de la Bataille de Borodino à Moscou.
Sources :
« Borodino 1812 » Moscou Mysl 1987 ;
« Participation de l’Equipage de la Garde à la campagne terrestre de 1812 », Lieutenant Vinogradsky, St-Petersbourg, Typographie du Ministère de la Marine, 1890, p. 46-49
« Dix années sur le Yacht Impérial Standart », N. Sabline Petronius Saint-Petersbourg 2008 ;
Forum Kortic http://kortic.borda.ru/.
Célébrations du centenaire de Borodino http://guardcrew.com/?q=node/282
Célébrations 2012 (malheureusement pas d’actions avec l’équipage de la Garde) :
http://www.youtube.com/watch?v=Z93iEzg4ozA
http://www.youtube.com/watch?v=R_sjVx-mgsU
* Histoire de la création de l’Equipage de la Garde
L’Equipage de la Garde a été créé en 1810 et regroupait le personnel des embarcations à rames et yachts de la Cour Impériale.
En 1860, année du 50ème anniversaire de l’Equipage des Marins de la Garde l’Empereur Alexandre II expliqua aux officiers la raison qui avait poussé Alexandre I à former un Equipage de la Garde : « En 1807 une rencontre se préparait entre Alexandre I et Napoléon. Afin de respecter l’égalité des parties lors des entretiens, il fut décidé que la rencontre aurait lieu au milieu du fleuve frontalier Niémen. L’embarras se fit sentir après que l’on se soit aperçu que les cosaques du Don du convoi qui tenaient les rames étaient de brillants sabreurs mais de piètres rameurs. N’ayant pas tenu compte de la force du courant, le nez de la barque heurta le radeau sur lequel avait été disposée la tente sous laquelle devaient se tenir les pourparlers. Non seulement cette manœuvre rendit difficile la montée de l’Empereur russe sur le radeau, mais fit également que Napoléon fut forcé d’attendre, ce qui l’irrita grandement. Le tzar russe s’intéressa de savoir d’où l’on prenait les rameurs français. Napoléon expliqua que dans la composition de sa garde il y avait un bataillon de marins de la garde ayant pour mission l’organisation des passages des cours d’eau ».
Ce bataillon français de marins de la garde avait été formé en 1803 par Napoléon avec des officiers et matelots expérimentés et qui lui étaient entièrement dévoués lorsque l’armée française préparait le débarquement par le détroit du Pas-de-Calais (dans ce que l’on appelait le « Camp de Boulogne ») et élaboré pour le transporter personnellement sur la côte Anglaise.
Ayant entrepris la réorganisation de la Flotte nationale, l’Empereur Alexandre I reçut le rapport de la commission spéciale qui disait, entre autres : « Conjointement à ceci, de par la volonté de Votre Majesté Impériale, doit être constitué un Equipage de la Garde pour les bâtiments à voile et à rames et que les officiers et les grades inférieurs dudit Equipage aient un uniforme approuvé par Votre Majesté ».
Le rapport et les effectifs de l’Equipage furent approuvés et confirmés par le Souverain. Le 16 février 1810 il ordonna : « Réorganiser le détachement des yachts et des navires à rames en un équipage à part, le rattachant à la garde et le nommant « Equipage des Marins de la Garde ». En fondant l’Equipage des Marins de la Garde, Alexandre I créa une nouvelle unité militaire de valeur dans la Garde Impériale.
Le premier commandant de l’Equipage de la Garde fut le capitaine de vaisseau Kartzov Ivan Petrovitch qui servait depuis longtemps déjà auprès de la Cour. Il fut, à partir de 1806, le commandant du yacht « Tserera » et, à partir de 1808 – du yacht « Pallada ».
Olga L.