LA MARINE IMPERIALE RUSSE ET LA GUERRE CIVILE-PARTIE III

Pascal de Romanovsky- Article publié en 5 parties – août 2008

TROISIEME PARTIE : 1919, LE TOURNANT DECISIF

Les opérations menées sur le terrain par les contingents Alliés, dont des Coloniaux comme le 6 RIC et des tonkinois, sous l’autorité du Général BERTHELOT, vont vite tourner à la débâcle. Le manque de motivation des troupes qui ne comprennent pas pourquoi après la fin officielle des hostilités, elles sont obligées d’engager le combat contre des armées dont les aspirations indépendantistes et socialistes recueillent leur adhésion. Néanmoins, à partir de janvier 1919 et après des combats parfois difficiles, les Alliés vont occuper les villes de TIRASPOL, KHERSON et NICOLAEVSK. Lors de ces opérations, la Marine Impériale Russe va multiplier les actions souvent avec beaucoup d’héroïsme malgré ses faibles moyens.

Pour la prise de KHERSON, des unités de la Marine Française dont les avisos : ALGOL, ALTAÏR, ALDEBARAN et le torpilleur MAMELUCK, vont remonter le DNIEPR pour débarquer des troupes. En Mer d’AZOV également, le sous-marin russe TULEN aidé par le torpilleur Français DEHORTER, bombarde les Rouges. A MARIOUPOL, les équipages des avisos Français SCARPE, HUSSARD, PHENIX, ENSEIGNE HENRY et du cuirassé JEAN BART bloquent les Rouges avant de rembarquer les troupes le 30 Mars. Mais la pression est trop forte et les troupes Bolcheviques vont finalement contraindre les Alliés à évacuer le terrain conquis.

Entre le 3 et le 5 avril, les troupes françaises sont obligées d’évacuer ODESSA. Le 16 Avril 1919, les Rouges se pressent autour de SEBASTOPOL où ils seront brutalement stoppés par les tirs de la flotte Française. Les cuirassés JEAN BART, LA FRANCE, VERGNIAUD, JUSTICE et le croiseur DU CHAYLA bombardent les concentrations de troupes.
La flotte Russe commandée par le Vice amiral Michel Pavlovitch SABLINE appareille pour rejoindre une fois de plus NOVOROSSISK. Entre le 18 et le 24 avril, le Colonel TROUSSON évacue les dernières troupes Françaises sous la protection de la flotte Alliée qui croise au large.

C’est aussi l’heure des premières mutineries qui vont coûter la vie à deux Officiers Français notamment au 4ème chasseur d’Afrique. Dès le 19 Avril 1919, les mutineries vont toucher plusieurs bâtiments dont LA FRANCE, le JEAN BART, le VERGNIAUD et le WALDECK-ROUSSEAU, mais c’est toute la flotte qui est gangrenée par un esprit de désobéissance, alimenté par des journaux édités en Russie par des Français comme Jacques SADOUL passés au service des Bolcheviques. Certains leaders des mutins comme André MARTY et Charles TILLON, firent après ces événements des carrières politiques en France au sein du Parti Communiste.
Aujourd’hui, il semble bien que ces mutineries n’avaient rien de spontané mais bien au contraire avaient été préparées par différents mouvements politiques et syndicaux. Une centaine de mutins furent condamnés dont plusieurs à des peines de détention. En juillet 1922, une amnistie générale libéra l’ensemble des mutins de la Mer Noire sauf André MARTY qui le sera en 1924.

En mai et juin, l’Armée Blanche repris son offensive profitant des différents qui éclataient entre les chefs des armées Rouges, et de l’attaque des forces Polonaises en Ukraine et en Biélorussie ; la ville de MINSK sera prise par les Polonais le 9 Août 1919. Les troupes Blanches aidées par des navires Russes comme le Croiseur Général KORNILOV (ex KAGOUL) vont reprendre NICOLAIEVSK, KHERSON puis ODESSA le 23 Août.
L’offensive se poursuit victorieusement et le 6 Octobre VORONEJ tombe, puis c’est au tour de TCHERNIGOV et d’OREL. L’automne 1919 sera le point culminant de la reconquête des troupes Blanches qui malheureusement ne pourront pas se maintenir sur un territoire aussi vaste. Plusieurs raisons expliqueront les revers que les Blancs vont subir à la fin de l’année 1919.

Il y a sans nul doute une erreur de stratégie de la part du Commandant en Chef des Armées Blanches, le Général DENIKINE et de son état major qui ont poursuivi plusieurs objectifs en même temps dispersant leurs armées au lieu de porter l’effort principal vers MOSCOU, afin de déstabiliser le régime Bolchevique. Cette erreur du commandement s’explique notamment par le souhait d’autonomie des responsables des armées Blanches qui tous cherchaient dans des victoires locales des lauriers personnels.
Il ne faut pas non plus sous-estimer la lassitude des populations en guerre depuis Août 1914 qui voyaient les hommes mobilisés par les Rouges puis par les Blancs ou par des bandes anarchistes dirigées par de simples bandits. Les problèmes de ravitaillement qui devenaient de plus en plus aigus lors de l’avance des troupes malgré les efforts des Alliés, devaient également expliquer l’essoufflement de l’offensive.

Sur les autres fronts, la situation n’était pas plus brillante. En Sibérie, après les succès initiaux des troupes Blanches, de la Légion Tchécoslovaque et d’unités polonaises et serbes dans l’Oural, les Rouges vont repousser les volontaires à partir du mois de juin et reprendre OUFA puis PERM. C’est la retraite, après la perte d’OMSK en Novembre puis de TOMSK.

Le 27 Décembre 1919, une insurrection renverse l’Amiral Alexandre Vassilievitch KOLTCHAK, sans que la Légion Tchèque n’intervienne.

A l’ouest, la dernière offensive des troupes Blanches va réellement inquiéter le pouvoir des Soviets. Le Général YOUDENITCH et son Chef d’Etat Major le Contre amiral Vladimir Konstantinovitch PILKIN vont fédérer les troupes du Général Prince LIEVEN qui se trouvent en LETTONIE et celles du Général BOULAK-BALAKHOVITCH situées autour de PSKOV. Mais dès que l’ESTONIE fut entièrement libérée, les dissensions entre les forces Russes du Général RODZIANKO et l’armée Estonienne soutenue par les Britanniques, eux-mêmes inquiets de la présence en LETTONIE des corps francs allemands et du Corps russe du Général BERMONDT AVALOV, vont surgir.
En juin 1919, le Cuirassé SEBASTOPOL aux mains des Rouges va bombarder le fort de KRASNAÏA GORKA à quelques kilomètres de CRONSTADT. En août, pour soutenir les troupes Blanches, la Marine Britannique va néanmoins détruire une partie de la flotte Rouge à CRONSTADT. Le Général YOUDENITCH et son chef d’état major l’Amiral PILKINE profitent de ce sursaut des Alliés pour passer à l’offensive début Octobre. Le succès fut immédiat puisque le 17, GATCHINA était prise. Les Officiers Blancs purent apercevoir la flèche de la Cathédrale de Saint Isaac à PETROGRAD dans leurs jumelles depuis les hauteurs de POULKOVO.

Une fois de plus Léon TROSTKY jeta dans la bataille les forces vives de la révolution en mobilisant en quelques heures 2 000 marins et tous les élèves des écoles militaires. Le 28 Octobre TSARSKOIE SELO est reprise par les Rouges et le 15 Novembre c’est au tour de la ville de YAMBOURG. L’Armée Blanche démoralisée fut alors internée par le Gouvernement ESTONIEN malgré la présence du Général Français NIESSEL qui était partisan de la restructurer pour qu’elle puisse reprendre le combat.

En LETTONIE voisine, l’escadre Britannique favorable à l’indépendance des républiques Baltes intervint alors contre les corps francs allemands.

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